Patrick fait la file sous la pluie et dans le froid ce mardi matin, devant le Petit Château. "Cela fait trois semaines que je suis ici, sans solution. Tous les jours ils disent qu’il n’y a pas de place, ils laissent passer les femmes, les mineurs, les familles. C’est normal mais bon… On dort dehors, il fait froid, ce n’est pas du tout évident. Ils ne nous disent rien. Ils prennent trois/quatre personnes et puis c’est fini. Ils disent qu’il n’y a pas de place."
"Nous sommes ici depuis le 17, nous sommes toujours dehors, il fait froid, il pleut. Je ne comprends rien. Il y a des gens qui sont malades", renchérit Charles, un Congolais.
Une situation que dénonce Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme Citoyenne : "Des centaines de personnes se retrouvent dans la rue, parfois depuis plus d’un mois, dans le froid, dans des conditions dramatiques, ils dorment par terre. Et ils n’ont pas de solution de prise en charge".
Un manque de place, dénoncé également par la Ciré, la Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers, dont la directrice était interrogée il y a quelques jours sur La Première. "On n’est pas face à une nouvelle crise migratoire. Fedasil n’est pas capable de faire face car on a compté trop court. Conclusion, on a des réfugiés […] qui ne peuvent pas entrer leur demande d’asile. C’est pourquoi on a introduit une action en justice".
Le personnel du centre du Petit Château a fait grève en octobre, pour dénoncer les conditions de travail difficile en raison de cette crise de l’asile.
Finalement, ce mardi, tous les migrants présents dans la file auront pu déposer leur demande d’asile, a appris notre journaliste sur place.
Mais une fois la demande déposée, les demandeurs d’asile retournent parfois aussi dans la rue, le réseau d’accueil étant complètement saturé.
Entre le 29 octobre et le 19 novembre, le tribunal du travail a statué sur 92 demandeurs d’asile sur une demande unilatérale, car ils n’avaient pas pu recevoir d’accueil le jour de leur demande, avait déjà indiqué ce vendredi le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Sammy Mahdi (CD&V) en réponse aux questions du député N-VA Theo Francken.
photo : RTBF
Pourquoi ce manque de place ?
Il y a plusieurs raisons, selon le cabinet du secrétaire d’Etat. D’abord les inondations catastrophiques de la mi-juillet ont eu pour conséquence la perte de 1000 places d’accueil, soit parce qu’elles ont été endommagées, soit parce qu’elles sont occupées par des sinistrés.
Ensuite, l’opération Red Kite de rapatriement depuis Kaboul a fait arriver de nombreux réfugiés d’Afghanistan, qui doivent rentrer une demande d’asile.
Enfin, le coronavirus complique la situation, car il monopolise des places pour les quarantaines. Mais également, car, selon le cabinet, de plus en plus de migrants ont soit aussi demandé l’asile dans un autre pays européen ou un pays tiers (la Turquie, par exemple) et doivent être renvoyés vers ce pays, en vertu du règlement de Dublin, soit ils ne peuvent obtenir le statut de réfugié et doivent être renvoyés vers leur pays d’origine. Cependant, affirme la porte-parole de Sammy Mahdi, ils s’opposent à la réalisation du test PCR obligatoire pour ces retours et restent dans le réseau d’accueil belge.
De nouveaux centres d’accueil ont été ou vont bientôt être créés, mais cela prend du temps et se heurte parfois à la réticence de certaines communes/habitants, note le cabinet Mahdi.
Le secrétaire d’Etat veut aussi décourager certains migrants d’arriver en Belgique, alors qu’ils n’ont pas droit à l’asile. Il s’est ainsi rendu en octobre en Albanie.
"On sait que la plupart des Albanais qui introduisent une demande de protection internationale en Belgique ne reçoivent pas un statut de réfugié, dû au fait qu’il n’y a pas de raisons pour des personnes venant d’Albanie de demander une protection internationale en Belgique. Donc, on va faire une campagne d’information là-bas pour précise aux gens que ça ne sert à rien de venir en Belgique pour demander l’asile si on n’est pas dans un réel besoin de protection internationale", expliquait Sammy Madhi en octobre.
Sources : RTBF / BELGA / MEDIAA BELGES